Historique
Un peu d’histoire
C’est au milieu du 19e siècle que fut institué un régime particulier de publication des annonces judiciaires et légales.
Une loi du 2 juin 1841 et un décret du 8 mars 1848 ont pour la première fois encadré ce type de publication ; puis le
décret du 17 février 1852 relatif au régime juridique de la presse énonça dans son article 23 : « Les annonces judiciaires exigées par les lois pour la validité ou la publicité des procédures ou des contrats seront insérées, à peine de nullité de l’insertion, dans le journal ou les journaux de l’arrondissement qui seront désignés, chaque année, par le préfet.
A défaut de journal dans l’arrondissement, le préfet désignera un ou plusieurs journaux du département. Le préfet réglera en même temps le tarif de l’impression de ces annonces ».
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Dans ce dispositif, deux éléments apparaissent essentiels : d’une part, les annonces, pour être juridiquement valables, doivent être publiées dans un journal habilité, publié au plus près du public intéressé (l’arrondissement, à défaut le département), et d’autre part, l’habilitation est donnée par le préfet, qui fixe également le tarif. Aucun critère n’est fixé qui puisse déterminer les choix de l’autorité administrative3, ceci laissant la place à l’arbitraire, tel journal « bien pensant » pouvant être retenu plutôt qu’un autre.
Cet ordre fut profondément modifié le 28 décembre 1870, la « Délégation du gouvernement de la Défense nationale hors de Paris » décrétant un régime très libéral de publication des A.J.L. : « Provisoirement, et jusqu’à ce qu’il en ait été autrement décidé, les annonces judiciaires et légales pourront être insérées, au choix des parties, dans l’un des journaux publiés en langue française dans le département. Néanmoins, toutes les annonces judiciaires relatives à une même procédure de vente seront insérées dans le même journal ».
Ainsi, tout journal pouvait désormais recevoir les annonces judiciaires et légales, pourvu qu’il soit en langue française et édité dans le département où se situe l’acte juridique dont la publicité est requise. L’élément de proximité avec le public intéressé, donc le lecteur, demeure privilégié : cadre départemental, langue française, et obligation de publier dans le même journal les « annonces judiciaires relatives à une même procédure de vente », qui apparaît comme une règle opportune.
Disparaît du dispositif la double décision du préfet : habilitation et fixation du prix des annonces. Il est clair que cela répondait à la nécessité, à l’époque, de rompre clairement avec un système ayant favorisé les journaux favorables au régime antérieur, celui du Second Empire.
Ce système a perduré tout au long de la Troisième République, alors même que le nombre de journaux publiés en France avait considérablement augmenté, donnant juridiquement la possibilité de publier des A.J.L. dans des publications certes diffusées dans un cadre départemental, mais susceptibles de s’adresser à un public a priori peu intéressé par ce type de publicité.
Une loi de l’Autorité de fait dit « Etat français », en date du 23 décembre 1941, modifiait à nouveau le système, en recréant une procédure d’habilitation, confiée aux préfets de départements qui devaient retenir les journaux présentant « un caractère évident d’utilité justifié par leur tirage ». Même si la notion, pertinente, de tirage du journal apparaissait, l’absence de normes claires (qu’est ce que l’utilité d’un journal ?) privait ce texte de tout caractère démocratique. De plus, la décision du préfet était soumise à l’approbation du secrétaire général à l’Information.
La loi innovait cependant sur plusieurs points qui demeureront : le caractère au moins hebdomadaire de la publication, l’inscription sur une liste valable un an arrêtée au mois de décembre pour l’année suivante, le choix pouvant se porter sur un journal diffusé dans le département mais n’y ayant pas son siège, enfin, la fixation par l’autorité administrative du prix de la ligne d’annonces.
Ce texte fut remplacé par un dispositif issu de la loi n° 55-4 du 4 janvier 1955, le texte promulgué en 1955), modifié par la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978, par la loi 91-647 du 13 juillet 1991, par l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000, puis enfin par l’ordonnance n° 2004-637 du 1er juillet 2004, qui constitue aujourd’hui la base légale du régime des annonces judiciaires et légales.
L’article 1 de cette loi dispose :
« Dans chaque département, et sauf pour les annonces devant paraître au Journal Officiel de la République française ou en ses annexes 4, les annonces exigées par les lois et décrets seront insérées, à peine de nullité de l’insertion, nonobstant les dispositions contraires de ces lois et décrets, dans l’un des journaux, au choix des parties, remplissant les conditions prévues à l’article 2 ».
La loi fixe également la procédure d’habilitation, et celle relative à la fixation du prix de la ligne d’annonces, et prévoit les sanctions en cas de non-respect de ses dispositions.
Elle a été complétée, notamment, par un décret du 17 décembre 1955, modifié, enfin plusieurs circulaires ministérielles, sont venues préciser l’interprétation de l’administration sur plusieurs points.
Aucune modification substantielle n’est intervenue durant ces cinquante dernières années.
Source (rapport Balluteau)
De la publicité portable ou quérable ...
Depuis que cette préoccupation d’information s’est manifestée, le choix s’est porté sur des techniques de publicité portable, en direction de ceux susceptibles de recevoir les nouvelles, ou de publicité quérable, qu’il convient d’aller chercher.
Dans le second cas, le demandeur d’information doit prendre l’initiative de la recherche, dans le premier la publicité vient à lui.
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Publicité portable : le crieur public, comme le garde champêtre annoncé par ses roulements de tambour, avaient pour fonction d’apporter des informations à qui était censé, dans la commune, en avoir besoin. Ces procédés aimables alimentent parfois la nostalgie face à l’extraordinaire foisonnement d’informations, souvent peu contrôlées et fiables, du réseau Internet.
Publicité quérable : le registre est toujours utilisé, aux greffes des Tribunaux de commerce, et à la conservation des hypothèques etc.. ; Il répond sans doute aux besoins. Ce mode de publicité est par construction, réservé à un public spécialisé et limité en nombre car il serait évidemment difficile d’imaginer des dizaines ou centaines de personnes se présentant chaque jour dans un bureau de ces administrations. Surtout, seules les personnes désireuses de connaître un type d’informations sont susceptibles de faire l’effort de la recherche : déplacement physique, ou désormais recherche par Internet dans le cas du registre des sociétés commerciales, ce qui nécessite un équipement adapté, un temps dédié à ce travail, et l’acceptation d’un paiement à l’information ou sous forme d’abonnement. Le « grand public » est, sinon exclu, du moins peu concerné par ce type de publicité quérable.
Source (rapport Balluteau)
Les conditions d’habilitation
Les conditions à réunir pour se voir habilité sont assez nombreuses :
1). L’habilitation concerne exclusivement
« les journaux d’information générale, judiciaire ou technique »
Il ne s’agit donc pas de l’ensemble des périodiques publiés, mais de ceux dont le lectorat paraît particulièrement susceptible d’être intéressé par les A.J.L.. La notion retenue est propre à la loi de 1955, et les frontières peuvent donner lieu à discussion, mais globalement elle ne pose pas de difficulté majeure semble-t-il.
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2). qui sont inscrits à la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP)
Il s’agit des « journaux et écrits périodiques présentant un lien avec l’actualité, apprécié au regard de l’objet de la publication, » répondant aux conditions déterminées par les articles D.18 du code des postes et télécommunication, et 72 et 73 de l’annexe III au code général des impôts, à savoir :
- « 1°/ avoir un caractère d’intérêt général quant à la diffusion de la pensée (…) » ;
- « 2°/ satisfaire aux obligations de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse », soit mention des directeur de la publication et imprimeur, dépôt auprès des autorités administratives compétentes;
- «3°/ paraître régulièrement au moins une fois par trimestre (…) », mais la condition 3 du régime de la loi de 1955 oblige à une périodicité au moins hebdomadaire ;
- «4°/ faire l’objet d’une vente effective au public, au numéro ou par abonnement, à un prix marqué ayant un lien direct avec les coûts (…) ». La condition 5 de la loi de 1955 vient compléter de manière substantielle cette appréciation de la vente au public.
- «5°/ avoir au plus les deux tiers de leur surface consacrés à la publicité, aux annonces judiciaires et légales et aux annonces classées sans que ces dernières excèdent la moitié de la surface totale » ;
- « 6°/ n’être assimilables, malgré leur apparence de journaux ou de revues qu’elles pourraient présenter, à aucune des publications visées sous les catégories suivantes » : entre autres, feuilles d’annonces, catalogues, almanachs, publications ayant pour objet principal la recherche ou le développement des transactions d’entreprises commerciales, industrielles etc.., publications ayant pour objet d’informer sur la vie interne d’un groupement quelle que soit sa forme juridique ou constituant un instrument de publicité ou de propagande pour celui-ci, publication dont le prix est compris dans une cotisation à une association ou à un groupement quelconque.
3). paraissant « depuis plus de six mois au moins une fois par semaine »
La périodicité au moins hebdomadaire s’explique par la nécessité de donner aux donneurs d’ordres la possibilité de faire paraître rapidement leurs annonces.
Le projet de loi déposé en 1954 exigeait une parution depuis au moins une année. Le Parlement amenda ce point, en votant un délai de moitié, au motif qu’un nouveau quotidien serait viable s’il réussit à paraître six mois. Et c’est à ce moment crucial de son existence que la publication doit pouvoir, selon le législateur de l’époque, bénéficier d’une habilitation à publier des A.J.L.
4). étant « publiés dans le département ou comporter pour le département une édition au moins hebdomadaire »
Il ne s’agit pas, pour le journal, d’être simplement vendu dans le département, présent sur les linéaires des diffuseurs ou acheminé par voie postale à des abonnés. Il s’agit soit d’y être édité (au sens du siège social, du lieu où se situe le directeur de la publication), soit d’y avoir une édition propre au département.
5). justifiant d’une « diffusion atteignant le minimum fixé par décret (…) en fonction de l’importance de la population du département ou de ses arrondissements »
Ces minima de diffusion ont été fixés par le décret n° 55-1650 du 17 décembre 1955, modifié depuis lors.
Le décret n° 75-1094 du 26 novembre 1975, modifiant celui du 17 décembre 1955, a apporté une précision importante à la condition légale énoncée ci-dessus, en excluant les exemplaires gratuitement distribués du nombre retenu dans le calcul de la diffusion. En définissant la vente effective, au sens du décret de 1955 modifié, comme celle réalisée « par abonnements, dépositaires ou vendeurs », le gouvernement faisait échec à une jurisprudence du Conseil d’Etat, issue d’un arrêt du 23 février 1972 ayant considéré que dans le silence du texte, les exemplaires gratuits ne devaient pas être exclus du comptage.
Cette précision paraît opportune, et dans l’esprit du système ; elle n’est pas en contradiction avec la loi et pouvait être valablement prise par décret. Elle reprend, sous une forme adaptée et juridiquement fondée, les termes d’une circulaire en date du 10 octobre 1955 du ministre de l’industrie et du commerce (alors chargé de l’information), « on entendra par diffusion, le nombre d’exemplaires de la publication habituellement offerts au public et effectivement vendus (abonnements, mis en vente par dépositaires ou à la criée) dans la circonscription pour laquelle le journal demande à être habilité ».
Le décret de 1955 est un texte assez long puisque les minima sont fixés par département et par arrondissement, un journal pouvant être habilité soit pour la totalité d’un département, soit pour un ou plusieurs des arrondissements. Le rapport entre la population et le seuil d’habilitation est, par construction, variable afin de prendre en compte les spécificités locales.
Source (rapport Balluteau)